Couleurs Grenadines - Partie II

 De Béquia, nous avons levé l’ancre pour Petit Nevis, l’îlot tout proche. Le vent et le courant contraire nous ont obligé à tirer des bords* pendant 2 heures mais le jeu en valait la peine.
Cet îlot était le lieu de découpage des baleines. Il reste encore sur l’île quelques bâtiments témoignant de cette activité.

 A terre, rien ne fait penser à une île des Antilles. Le sol est constitué de lave noire, les arbustes se mêlent aux cactus, quelques chèvres et moutons nous regardent passer d’un air méfiant, les tortues terrestres se confondent avec les rochers… nous avons la sensation d’avoir traversé l’Atlantique et d’être sur une des îles Canaries. Les fonds par contre nous ramènent à la belle réalité des Caraîbes. La plage au vent est tout simplement magnifique.

 









Toujours à l’attention des voileux, évitez d’y rester mouillé la nuit, sauf si le ciel et la mer sont très calmes : fort coup de vent qui descendent du rocher en rafales et surtout une houle croisée qui vous malmène salement sans répit. Nous avons passé une nuit blanche.

Belle navigation au départ de Petit Nevis et à destination de Mayreau. Vent de Nord-Est de 20 à 25 nœuds, nous partons grand voile seule au portant avant de lofer* légèrement à la pointe de Pigeon Island et mettre le cap sur Saline Bay avec le vent au trois quart arrière, la trinquette à poste. La mer se creuse de 3m et nous filons à 7 nds de moyenne pendant la matinée. Le temps est ensoleillé, le pilote réagit bien au départ au lof provoquer par les vagues… Jmarc et Mama nous accompagnent sans forcer, le Thorsson galope à 8 nds avec seulement la moitié de sa toile !

Nous doublons Canouan et passons entre les Catholic Rocks avant de mouiller dans Saline Bay. L’endroit nous « paraît » tranquille, nous y resterons 2 jours à nous faire malmener par la houle rentrante. Le vent ne faiblit pas et il faudra attendre la fin de semaine avant de s’aventurer dans les Tobago Cays.

 
Mayreau est une petite île de 250 habitants. Le village est à flan de morne, paisible à souhait. Pas de réserve d’eau communale, chaque maison est équipée d’un réservoir individuel qui récupère l’eau du toit. Malheureusement, il ne pleut pas souvent sur ces îles basses.
Le lendemain de notre arrivée, nous avons fait une marche du nord au sud de l’île (2kms) avec l’agréable surprise de découvrir une plage sauvage paradisiaque au vent (Windward Bay). Pose bière (la Hairoun) chez Robert, un rasta qui tient un sympathique bar où est diffusé sans relâche les meilleurs albums de Marley.

Les conditions de mouillage étant trop mouvementées nous décidons de partir et d’attendre des jours meilleurs dans l’ïle toute proche de Union. Deux heures de navigation au portant dans une mer agitée on suffit pour rejoindre Chatham Bay. Et là, Oh Bonheur ! nous découvrons un endroit encore préservé du tourisme, des promoteurs immobiliers et des yachts de luxe.
Cette baie est large et entourée de montagnes verdoyantes (Mont Tabol 305m) qui plongent dans l’eau. Des colonies de Pélicans nous regardent passer du haut de leurs rochers, quelques cabanes de bois et de tôles abritent des pêcheurs locaux et la grande plage est bordée de raisiniers. Elle existe donc cette baie paisible et presque sauvage !!

Nous avons fait la connaissance de Piagia, un rasta sculpteur qui tient un minuscule bar de plage à une seule table. Chez lui, la vie s’écoule tranquillement au rythme des voiliers de passage. Nous apprenons à jouer au domino (le « sport » local) en buvant notre bière quotidienne. Un chat roux et un chien brun rêvassent à l’ombre du Gommier, les puces de sable nous attaquent les pieds ; des voisins se mêlent à nous, une femme Sylvia et un certain Dalton, qui nous montrent comment débourrer une noix de coco, complètent cette assemblée hétéroclite. Kim, le cuisinier du groupe de pêcheur, prépare à manger pour ceux qui le souhaitent et nous voilà à partager un plat d’Opossum (Manicou) avec du Dombré. Moment de rires et d’échanges où la condition de « touristes / locaux » s’efface un peu.
Les quelques jours passés à Chatham Bay seront une vraie source d’émerveillement. Nous avons rechaussé nos baskets pour faire une belle rando sur les flancs de la montagne. La forêt ressemble à celles que nous connaissons dans nos régions tempérées hormis les Agaves et autres cactus parsemés ici et là. Nous rencontrerons à trois reprises des serpents filiformes inoffensifs (nous le saurons que plus tard !) et des Bernards-l’Ermite en quantités surprenantes.
Au cours de la balade, nous avons découvert une petite parcelle cultivée de « plantes aromatiques » que font pousser nos amis rasta. Un petit parfum de Colombie en pleine forêt.

La baie de Chatham offre un abri sûr mais nous sommes continuellement secoués par les forts coups de vent qui descendent de la montagne ; pendant quelques secondes, les rafales atteignent 35 nds, le bateau vibre et évite* rapidement sous l’effet du vent…puis le calme revient. Passé la surprise du début, nous nous accommodons de ce phénomène météo et la sérénité s’installe. Nous reviendrons !!!
Notre but local étant les Tobago Cays, il nous faut patienter encore pour avoir une météo marine favorable à nos projets.
Au matin du 13ème jour, nous levons l’ancre pour rejoindre l’île de Petit-Saint-Vincent. Une navigation de 3 heures au portant puis au près serré et un mouillage devant la plage de sable blanc. L’île est privée et nous ne sommes pas autorisés à débarquer mais nous pouvons faire le tour en annexe et profiter de la beauté de la barrière de corail. L’eau devient cristalline, les récifs sont chargés de vie… nous plongeons dans un environnement digne des plus belles cartes postales. A quelques coups de rames, l’îlot Mopion nous accueille pour faire voler le cerf-volant et passer une fin de soirée arrosée au Punch Coco maison ! 



 Au cours de ce voyage, nous avons pris le temps, entre nous quatre, de partager nos points de vue sur cette vie de nomade mais aussi sur ce qui fait ou défait le monde. Nos convictions communes étant plutôt basées sur le Développement Durable (AlterMondialisation), nous étions en accord sur les grandes lignes. Les réflexions portaient essentiellement sur l’impact personnel que nous faisons subir à la planète (environnemental et humain) et notre difficulté à prendre en compte la globalité du problème.
Ces échanges étaient particulièrement propices au plus chaud de l’après-midi ou pendant les apéros ; nous avons parlé littérature et philosophie, de politique et de la déplorable inutilité de cette classe du même nom, nous avons partagé nos livres et refait le monde, nous avons parlé de nos projets futurs.
Sur Traou Mad, ce périple nous aura convaincu du bel avantage financier (entre autre chose) de vivre et de voyager sur un voilier :
- Avant de partir, nous avons fait l’avitaillement complet (nourritures, boissons) = 320 euros
- Les pleins d’eau et carburants (moteur bateau et annexe) = 70 euros
- Taxe de sortie et d’entrée en Martinique = 10 euros
- Taxes de douane et immigration Grenadines = 20 euros
- Les bières en balade = 25 euros
- Quelques bricoles ici et là = 20 euros
Total pour un mois de vacances à deux, sans se priver, sans manquer de rien et dans un environnement paradisiaque = 465 euros
Alors oui, bien sûr, pas de resto ni de visite de musée, pas de soirées animées en centre-ville ni d’après-midi-boutiques
…mais des journées à nager parmi les coraux et les plus beaux poissons, des soirées au soleil couchant en buvant des Ti-Punch, Planteur, Punch Coco et j’en passe, à naviguer d’île en île et cuisiner des p’tits plats à partager le soir, pêcher, randonner, lire, etc…

... à suivre... 

Glossaire
- Tirer des bords : louvoyer. Remonter au vent en faisant des virements d'un bord sur l'autre.
- lofer : rapprocher l'axe du bateau du lit du vent. Contraire = abattre
- Evitement : déplacement d'un bateau autour de l'axe de son mouillage. 

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