La houle a diminué, le vent est tombé, nous pouvons partir
pour le Worlds End Reef (le récif de la fin du monde) dans les Tobago Cays.
Belle navigation dans un temps de demoiselle, nous arrivons avec le soleil dans
le dos et louvoyons au milieu du récif pour trouver un fond de sable où poser
la pioche.
C’est la vision que doivent avoir de loin les autres bateaux
amarrés plus à l’ouest, dans la partie protégée.
Nos espoirs ne sont pas déçus ; dès la montée au mât de
Traou Mad, je constate la clarté de l’eau et le détail de la barrière de
corail. Le Reef affleurant la surface, il faut prendre de la hauteur pour en
distinguer les contours.
Diodons et poisson Coffre Zimbra
Poisson Chevalier, Murène et Gorgone
Les premiers coups de palmes nous plongent dans des fonds de
rêves. Nous sommes transportés par la beauté des coraux et la couleur des
poissons. Notre vision porte à plus de 20 m, du bleu profond au vert turquoise,
des bancs de poissons-chirurgien chahutent avec les poissons-papillon, des
raies, des bancs de Carangues à nous faire saliver (interdit de chasser – zone
protégée), des gros Perroquets Feu Tricolore et Royal en pagaille, un Requin,
des Gorgones,…
… - « Un Requin !!! »
Les filles, Mama et Sandrine, en balade aquatique au milieu
de toutes ces beautés, ont fait une rencontre inattendue :
Un banc de Carangues particulièrement nerveuses, et pour
cause, a éveillé leur attention. A quelques mètres derrière ces Elagatis
Bipinnulata un Requin Caraïbe s’approchait pour
rencontrer nos deux joyeuses palmipèdes qui osaient entrer sur son territoire.
Qui a eu le plus peur ? Toujours est-il qu’en l’espace d’un battement de
nageoir, le requin partait au sud et nos deux frenchies au nord sans demander
leur reste. Vives émotions parmi les deux plongeuses et déception de n’avoir
rien vu pour les deux plongeurs. Le pauvre requin devait partager les mêmes
palpitations.
Cette observation est rare et riche d’expérience. Les deux
filles prennent conscience à présent de la chance d’une telle rencontre dans un
lieu sauvage. En Guadeloupe, il existe une zone réservée où les touristes
plongeurs peuvent nourrir les requins caraïbes semi-apprivoisés. Ça manque de
naturel n’est-ce pas !
© Photo : Alpha Plongée
Nota : le requin caraïbe mesure entre 1,5 et 2,7m et
pèse environ 130kg. Il se nourrit de poissons de récif (il n’aime pas la chaire
humaine, comme les autres requins d’ailleurs) et ressent un mouvement
inhabituel dans sa zone jusqu’à 2 kms. Ce sont des Requins inoffensifs pour
l’homme… à moins d’aller les provoquer avec un harpon !
C’est une espèce de requin consommée par l'homme dans la
préparation de plats cuisinés. Du fait de sa surpêche, sa population est en
déclin dans plusieurs zones et l'espèce est considérée par l'IUCN comme
quasi-menacée. Qui devrait avoir peur de qui ????
Le lendemain, nous avons déplacé les bateaux en face de
Petit-Tabac, une île inhabitée paradisiaque, toujours dans les Tobago Cays.
Journée à jouer les Robinsons en récoltant les noix de coco pour nous
désaltérer et confectionner notre punch du soir.
Parmi les débris rejetés par
la mer encombrant la plage, des morceaux de carcasses d’un satellite…dire
qu’ils sont des milliers à graviter autour de nous !!!
Comme le mouillage n’était pas assuré devant Petit-Tabac,
nous avons préféré nous ancrer dans la zone protégée des Tobagos, devant
Jamesby.
C’est une zone qui dénote avec tous les autres mouillages
que nous avons pratiqués jusqu’à présent. Pas moins de 30 bateaux autour de
nous, des catamarans de charter et une flopée de touristes qui débarque des
îles voisines… nos semblables ne nous manquaient pas vraiment !
Malgré l’affluence, les eaux sont bien pourvues en tortues et il est facile de nager au milieu d’elles en les approchant de près. Nous avons passé 3 heures à nager avec ces belles dames en tombant parfois nez à nez (dans le meilleur des cas !) avec une « baleine Américaine » !!!
Malgré l’affluence, les eaux sont bien pourvues en tortues et il est facile de nager au milieu d’elles en les approchant de près. Nous avons passé 3 heures à nager avec ces belles dames en tombant parfois nez à nez (dans le meilleur des cas !) avec une « baleine Américaine » !!!
Sur l’îlot Baradal, nous avons croisé des Iguanes qui se
chauffaient au soleil et nous avons constaté des traces de la bêtise humaine :
il est tendance de graver sur les feuilles d’Agave votre nom et celui de votre
bateau, à l’instar des inscriptions présentes dans certains ports ; les
plantes sont martyrisées et dessèchent. Le plus navrant est de voir que les
prénoms gravés appartiennent à la jeune génération de voileux européenne et
américaine …
prise de conscience vous disiez ???
prise de conscience vous disiez ???
Iguane et Lambi
Quittons les Tobagos et faisons escale à Canouan :
l’île est tranquille, les touristes ne s’y attardent pas et la houle d’ouest ne
rend pas le mouillage principal confortable. Jean Marc et Mama devaient
effectuer leurs formalités de sortie avant de remonter ; Décision est
prise de quitter les lieux sans les papiers en règle. Nous nous posons à la
sortie de la baie, Anse Rameau, où la houle ne pénètre pas. Les Thorsson nous rejoignent
en faisant des ronds dans l’eau le temps de se dire au revoir. C’est ici que
nos routes se séparent. Nous apprendrons que leur remontée en Martinique
prendra 24 heures, qu’ils pêcheront une grosse bonite, que l’éolienne* est
tombée sur le pont sans faire de blessé et que les coulisseaux de GV* sont
restés bloqués ! ainsi va la vie à la voile !!
Nous ressentons de la tristesse et de la nostalgie après le
départ des amis ; pour ne pas trop y penser, nous décidons de nous
occuper : Sandrine découpe la coque d’une coco et moi je pars chasser le
long des tombants tout proche. Maigre recette : 2 petites langoustes que
nous mangerons à l’apéro, juste pour nous mettre en appétit.
Nos vacances continuent mais nous commençons à remonter pour
réduire la dernière grande nav, en sachant que les conditions météo vont se
dégrader à nouveaux dans une semaine.
Départ de Canouan vers midi, vent de nord-Est donc quasiment
de face. Nous comptons sur une bascule d’est dans l’après-midi (qui ne viendra
pas) et faisons route légèrement abattue* pour gagner en vitesse. Belle
navigation par 15 à 18 nds et mer agitée. Nous croisons de beaux voiliers,
notamment une Yawl classique, qui remonte au vent magistralement, avec
l’équipage en tenue…un régal pour les yeux.
Il est 17h, nous sommes au large sous le vent de l’île
Béquia, la mer se renforce, lorsque nous apercevons devant nous une barque de
pêcheur avec l’un des hommes tenant un drapeau de demande de secours et un
sifflet. Nous affalons les voiles, mettons le moteur en marche et faisons route
sur eux : ils sont deux dans une barque que je ne prendrais même pas pour
faire le tour de Panthier*, ils ont un moteur 2 temps de 6 cv et… plus
d’essence !
La nuit va tomber, la mer devient de plus en plus creuse
(3m) et ils dérivent vers le large. Nous nous efforçons de ne pas rendre la
situation plus périlleuse en abordant leur barque ; les vagues nous
malmènent d’un bord à l’autre, nous finissons par attraper une longue amarre
que nous frappons* sur le taquet arrière de Traou Mad et mettons route sur la
baie Admiralty. Le voilier subit des embardées provoquées par la houle, le
moteur ne nous appuie pas suffisamment sur la mer et la barque à bien du mal à
rester dans l’axe. Nous avons confiance en notre bateau mais je doute que les deux
pêcheurs aient les mêmes pensées. Après ¾ d’heures de mer nous entrons dans la
baie et mouillons en arrière du port. Nous discutons avec eux, leur donnons du
mélange pour qu’ils puissent rentrer et ils nous promettent de revenir le
lendemain avec du poisson en guise de remerciement. La chose est entendue et
nous sommes tous heureux du dénouement.
Nous sommes revenus à Béquia. Nous allons prendre le temps de
visiter, de randonner et de surveiller la météo en vue de la remontée finale.
Les 5 jours passés ici sont très ventés et toujours très
houleux. Nous en profitons pour lire, plonger et déguster des bons petits plats et des
bons punch maison…quelle énergie !
De très beaux voiliers
fréquentent cette baie ; nous passons de long moment à observer leurs
manœuvres de port.
Les contraintes d’une vie
sédentaire nous échappent de plus en plus ; pour beaucoup de gens à terre,
la promiscuité à bord d'un bateau, les mouvements permanents, les aléas de la
météo, les longs déplacements à la voile, paraissent être une longue suite d'embarras. De notre côté, ce serait plutôt l'entretien de la maison, la taille de la haie, la tondeuse, le manque d'horizon, les courses du samedi matin, l'ennuyeuse autoroute des vacances, le voisin pénible, etc...
Vendredi 14 décembre, 6h
du matin, nous embouquons* le canal de Béquia pour faire route au nord.
Nous rentrons.
Le soleil se lève, le vent
reste stable à 15 nds, toutes voiles dessus nous filons à 7 nds à 60° du vent.
L'air est doux, nous sommes fiers de notre bateau, tout va bien.
Vers 9h, nous sommes sous
l'île de St Vincent, complètement déventés. La matinée continue avec la
"Brise Perkins" (pour ceux qui suivent) et notre moyenne de
progression chute lamentablement. Il faut rester patient en attendant de
reprendre le vent au nord de l'île.
Nous sommes au milieu du
canal de St Vincent -St Lucie lorsque Sandrine aperçois à tribord un aileron,
puis un autre et encore un autre... une colonie de dauphin s'approche du
bateau. En l'espace d'un instant, une cinquantaine de dauphins vient jouer
autour de nous. ça saute, ça plonge, ça virevolte et hoche de la tête, ça crie,
ça nage d'un bord à l'autre et effectue des saltos avant. Il y a des adultes,
des plus jeunes et même la Ti'Manmaille *. Pendant 1/2 d'heure ils nous
gratifient de leurs plus beaux jeux et nous accompagnent le long de la coque.
Le charme agit vite, le bateau navigue seul, nos yeux sont hypnotisés par ce ballet aquatique.
Même largement déportés au large de Ste Lucie, nous subissons le dévent et devons remettre le moteur jusqu'à 1h du matin, heure que nous choisissons pour ancrer Traou Mad à Rodney Bay et dormir quelques heures avant de repartir.
Samedi 15, dernier bord jusqu'en Martinique. Le vent est complètement tombé, nous passons la matinée au moteur et pêchons un beau Barracuda au milieu du canal.
L'ancre tombe à 12h30, retour à la "maison", fatigués et un peu nostalgiques de ce beau voyage. Retrouvailles avec les amis de mouillage, apéros animés...Traou Mad tire à nouveau sur sa chaine en attendant le prochain départ avec impatience.
... fin
Glossaire
- Eolienne : à l'instar des installations à terre, les voiliers sont équipés d'une éolienne qui recharge le parc des batteries de servitudes.
- GV : GranVoile. Voile centrale sur un sloop.
- GV : GranVoile. Voile centrale sur un sloop.
- abattue : abattre, éloigner le bateau de l'axe du vent
- Panthier : nom d'un lac de Côte-d'Or (France). Ce réservoir sert d'alimentation au Canal de Bourgogne.
- Frapper : nouer à un taquet. Lier, amarrer sur...
- Embouquer : entrer dans un détroit ou un canal
- Ti'manmaille : terme créole pour désigner les petits enfants, la marmaille.
- Panthier : nom d'un lac de Côte-d'Or (France). Ce réservoir sert d'alimentation au Canal de Bourgogne.
- Frapper : nouer à un taquet. Lier, amarrer sur...
- Embouquer : entrer dans un détroit ou un canal
- Ti'manmaille : terme créole pour désigner les petits enfants, la marmaille.